• Pensées d'une nuit

    Voici la nouvelle dont il est question dans le précédent article.
    Je l'ai écrite pour le concours du webzine Pensées d'un jour ; c'est pourquoi beaucoup d'éléments font référence à ce blog.
    Je l'ai écrite très rapidement, et je demeure encore et toujours insatisfaite de la première moitié. J'espère néanmoins que vous l'apprécierez. 
    C'est une quête symbolique, remplie d'éléments polysémiques, dans lesquels, je l'espère, chacun pourra reconnaître et retrouver sa propre réalité.

    ________

     

    — Ethéna ! Mais qu'est-ce que tu fous ?
    J'ouvris les yeux péniblement.
    — J'y crois pas ! Tu dors ! Tu dors dans un moment pareil !
    — Excuse-moi, Machin … Mais où on est ?
    — T'es pas sérieuse ? Ethéna, tu vas me faire le plaisir d'émerger illico, sinon c'est moi qui te réveille à grands coups de baffe !
    Machin me fixa d'un air menaçant.
    — Oui. Euh, nous sommes … Nous sommes … Pas loin d'un champ de bataille …
    Il s'énerva.
    — Pas loin du champ de bataille que tu voulais voir de tes propres yeux ! Et maintenant c'est le moment pour toi de récupérer l'Ustence, alors concentre-toi ! Tu as déjà essayé et échoué il y a quelques années, parce que tu n'étais pas encore prête. Mais maintenant, c'est le bon moment.
    — Hé, attends ! protestai-je alors qu'il me poussait. Je fais comment pour l'atteindre ?
    — Je te l'ai répété dix-sept mille fois ! s'énerva-t-il davantage. Tu as intérêt à ouvrir en grand les esgourdes. L'entrée de la grotte est protégée. Je fonce dans le tas et tu profites de la diversion pour passer en utilisant ton pouvoir d'Astrée. Une fois à l'intérieur, tu sais mieux que quiconque ce qu'il faut faire. Vas-y.
    — Non mais non, attends …
    — Ne recommence pas ton leitmotiv « Naaaan mais mon pouvoir est faaaaible, si j'étais née dans une autre tribu, j'aurais pu … ». Je croyais que tu étais décidée. Tu es une des dernières Astrées, alors montre-toi en digne.
    Je scrutai les nombreux gardes postés devant l'entrée de la grotte.
    — Pas de réaction. Et si je te disais qu'Eldun et moi, on a parié sur ta réussite ?
    — Quoi ? Mais pourquoi vous avez fait ça ?
    — Héhé. Bon, puisque tu insistes, j'y vais en premier.
    — Vas-y, amuse-toi à faire le bourrin avec ton épée, et ne me fais pas croire que c'est pour m'aider après.
    — Foire pas ta technique de transparence, Ethéna.
    — C'est bien la seule que je réussisse aussi bien, marmonai-je.
    Machin s'élança tout droit vers l'entrée, tandis que je prenais sur le côté, en me cachant le temps d'exécuter la technique d'Astré, la technique d'obscurité.
    — « Nuit sans étoile ».

     

    Je passai à côté des gardes qui ne voyaient que l'épéiste les attaquer.
    Un long couloir précédait le coeur de la grotte. C'était une vaste salle circulaire, au centre de laquelle tenait, posé en hauteur, un trône ; derrière ce dernier se cachait l'Ustence. Je me souvenais de cet endroit, et aussi de ce spectre de femme qui siégeait – de ses paroles habiles, et impitoyables.

    Si je pouvais aujourd'hui prétendre à l'objet sacré, c'est parce que j'avais compris. Les gens viennent ici en pensant qu'il faut voler l'Ustence ; en réalité, il faut l'acquérir.
    C'est pourquoi je me présentai à la gardienne en dissipant ma technique d'obscurité, prête à dialoguer. Elle ria.

    — Tiens, aujourd'hui c'est une prétendante. Les gardiens de l'entrée sont vraiment des incapables. Quel est ton nom ?
    — Ethéna.
    — À quelle tribu appartiens-tu ?
    — Astrée.
    — Une des dernières, n'est-ce pas ? On en voit de moins en moins.

    Elle ne se souvenait pas de moi. Elle devait voir passer des personnes multiples – chaque tribu possédait une technique de camouflage.

    — Pourquoi désires-tu l'Ustence ?

    Sa question me surprit. J'hésitais. Mais la vérité était meilleure à dire.

    — Nous combattons l'Ennemi depuis trop longtemps, et j'aimerais apporter ma contribution à cette guerre. Je pense pouvoir prétendre à l'Ustence car j'ai déjà essayé de l'obtenir, il y a plusieurs années, quand j'étais jeune et naïve, et j'ai compris qu'on ne peut l'obtenir par la force. J'aimerais aider et combattre grâce à lui.
    —Crois-tu réellement faire le poids ? L'Ennemi est puissant, c'est un monstre dont on ne s'est pas méfié assez tôt. Tandis qu'on essayait d'abattre son mur protecteur, l'Ennemi s'est infiltré partout et corrompt les hommes. Rares, aujourd'hui, sont ceux qui n'ont pas été touchés.
    — Je sais, murmurai-je. Moi-même, j'ai été touchée.

    La gardienne écarquilla ses yeux fantomatiques.

    — Toi ?
    — Oui. Ce fut peu de temps après ma première tentative d'obtention de l'Ustence. L'Ennemi s'infiltre sous terre et prend les gens en traître. J'ai survécu de justesse. C'est justement parce que j'ai été touchée, parce que je connais l'Ennemi, que je pense pouvoir aider à la bataille.
    — Une Astrée... se remémora la gardienne. Possédant l'Ustence... touchée...

    Il y eut un silence pesant.
    — … et réceptive à la Pesée...

    Elle descendit en un instant de son trône et attrappa mon crâne avec sa main.
    — Ne bouge pas.
    Des étincelles jaillirent de sa paume pour rentrer directement dans mon front, et je tombai à terre en criant, une vive douleur au crâne.

    — Mon dieu, murmurait-elle, presque effrayée, tu es réceptive à la Pesée.

    Je ne compris pas s'il s'agissait d'une attaque ou d'effets indésirables. Je n'arrivais plus à réfléchir. J'avais terriblement mal à la tête.
    — En fait, je crois que je vais te donner l'Ustence, dit la gardienne, un sourire en coin. Mais ne te laisse pas aveugler, tout ne sera pas si facile. L'Ustence est une arme très puissante, mais qui ne peut être utilisée que par quelqu'un de puissant. Je te le donne à la condition qu'une fois sortie d'ici, tu partes à la rencontre des grands rois. Il est possible que tu aies à voir avec la Prophétie …
    Elle ria derechef.


    Je sortis déconcertée ; la gardienne, lasse de me voir figée de stupéfaction, m'avait balancée hors du coeur de la grotte en même temps que l'Ustence. C'était un long bâton dont l'extrémité était pointue et visiblement malléable. Ayant donc été aimablement éjectée, je n'eus pas le temps d'exécuter ma technique de transparence que déjà les gardiens de l'entrée se ruaient sur moi, trop mécontents d'avoir laissé passer quelqu'un par inadvertance. Je tenais l'Ustence avec mon bras droit, et, sans réfléchir, par réflexe peut-être, je levai ma main gauche vers les gardiens, en murmurant :

    — « Les clartés du firmament étoilé ».

    De petites lumières blanches, de la taille dont on voit les étoiles, s'agitèrent, puis libérèrent une lumière aveuglante mais localisée sur leurs visages. Je profitai de ce bref instant pour m'enfuir à une vitesse qui me surprit, car à l'habitude, la course comme les techniques d'Astrés me donnaient un mal fou. C'était pour moi inimaginable d'avoir réussi à lancer une technique pareille à un moment pareil.
    Je retrouvai à notre cachette Machin qui aiguisait son épée.

    —Tu as l'Ustence !
    Il me prit dans ses bras d'un air solennel.
    — Ethéna, je suis si content pour toi ! Tu as réussi, c'est vraiment génial !
    — Merci, frérot, merci … chuchotai-je, à moitié étouffée. Mais je ne sais pas moi-même comment cela se fait.
    Ignorant ma remarque, il dit :
    — Je crois avoir vu de loin que tu exécutais une technique d'Astré. C'est grâce à l'Ustence ?
    — C'est très étrange, parce que justement, je n'ai pas utilisé l'Ustence... En temps normal, j'ai un mal fou à réussir une quelconque technique ; alors pour ce qui s'est passé à l'instant, je ne peux pas comprendre.
    En présentant l'objet sacré à mon frère, je continuai :
    — La gardienne a dit que l'Ustence ne pouvait être utilisé que par quelqu'un de puissant... En fait, je crois que c'est un amplificateur, ou plutôt un matérialisateur de puissance.
    — Ce qui signifie, Ethéna, que contrairement à ce que tu penses, tu es puissante. Mais peut-être qu'auparavant, tu ne t'étais jamais trouvée dans des situations difficiles, qui auraient fait surgir tes pouvoirs d'Astrée.

    Soudain, quelqu'un souleva les branches censées nous cacher.
    Une jeune femme de grande taille et aux longs cheveux bruns se tenait devant nous. Un long tissu noir et très ample, trop ample pour être anodin, la recouvrait, semblant cacher quelque chose – une armure, peut-être, ou des armes. Cependant son visage, quoique impassible, ne semblait pas malveillant.

    — La lumière blanche ne peut provenir que des pouvoirs d'un Astré. En l'occurence, d'une Astrée, qui vient d'obtenir l'Ustence.
    — Et qu'est-ce que ma naissance peut vous faire, m'énervai-je. Si vous voulez l'Us…
    — Ce n'est pas mon intention, me coupa-t-elle. Dîtes-moi plutôt votre nom et si vous avez déjà été touchée par l'Ennemi.
    — Ethéna oui, lâchai-je avec flegme.
    La jeune femme hésita, puis leva la main.

    — Je me demande si …
    — Ah non ! la coupai-je en empoignant son avant-bras. La gardienne de l'Ustence m'a déjà fait ça ! Elle a dit que j'étais réceptive à la Pesée et que j'avais peut-être à voir avec la Prophétie. J'aimerais compr...

    Cette fois, c'est mon frère qui m'empoigna le bras et me fit reculer, de manière à ce que je lâche le bras de l'inconnue.
    — Arrête Ethéna, dit-il, le visage sérieux. Malgré les apparences, cette femme est la plus puissante guerrière de la coalition ; une Roc, nommée Emisu.
    — Et comment tu sais ça ? grommelai-je.
    — Je te signale qu'avant de t'accompagner dans tes escapades, je suis membre de la coalition.
    — Si c'est réellement ce que vous dit la gardienne, commença Emisu, alors je me dois vous mener aux Grands rois. Suivez-moi, je vous prie.

    Nous la suivîmes, n'ayant pas d'autre choix sensé.




    Jusqu'à là, tout était encore à peu près normal. Enfin ; j'avais obtenu l'Ustence, j'avais maîtrisé mes pouvoirs d'Astrée à la perfection, j'avais pu entrer au palais grâce à Emisu, j'avais obtenu une entrevue avec les Grands rois grâce à elle, j'écoutais leur discussion prosternée bien comme il faut, en forçant mon visage à ne pas paraître atterré comme il aurait dû. Mais les évènements se plaçaient dans une suite logique. Le moment où on versa dans l'absurdité onirique absolue, c'est lorsque les Grands rois m'ordonnèrent de me lever, pour se prosterner devant moi. Pour ne pas laisser paraître mon incrédulité, je prétextai n'avoir pas compris.

    — Depuis plusieurs décennies maintenant, nous combattons l'Ennemi. Mais peu de temps après son apparition, un devin nous annonça la Prophétie ; il dit qu'une personne seulement pourrait nous sauver ; une Astrée, possédant l'Ustence, réceptive à la Pesée et touchée ; parce qu'elle fut touchée et qu'elle est restée en vie, parce qu'elle a connu l'Ennemi, elle seule pourrait le vaincre. Mais infiltré partout, il finit par avoir vent de cette rumeur. C'est pourquoi il s'est attaqué en premier aux Astrés. C'est à la fois pourquoi tu es une des dernières de ta tribu et pourquoi il t'a attaquée.
    Tu es l'élue de la Prophétie, Ethéna. C'est toi qui détruiras l'Ennemi.

    J'avais beau chercher à me convaincre, cette histoire demeurait démente.
    — Je ne sais pas contrôler mes pouvoirs. Je ne serai pas plus utile à l’armée qu'une petite bergère. Demandez plutôt à Emisu, me suis-je entendue dire, comme une fuite, comme pour gagner du temps. Vous avez dit tout à l'heure qu'elle aussi était réceptive à la Pesée.

    La réponse fatidique tomba sur moi comme un bloc de béton.
    — Tu es une Astrée.

    Je craquai. Aussi stupide et ridicule que cet acte pût être, je m'enfuis en pleurant.

    J'étais recroquevillée dans un passage sombre du palais, quand mon frère me retrouva. Il dit simplement :
    — Ethéna, tu abandonnes déjà ? Alors que tu as réussi à acquérir l'Ustence ?
    Je sanglotai :
    — Si j'avais été une Roc, j'aurais pu être forte comme Emisu.
    — Tu recommences avec ça ?
    Il prit mes épaules en me regardant droit dans les yeux.
    — Tu aurais pu naître Roc, Arde, Voguée, Aerie. Mais non, tu es née Astrée.
    Ecoute, le secret de la puissante d'Emisu ne réside pas dans le fait qu'elle soit une Roc. Emisu est puissante car elle a accepté ce qu'elle était.
    Tu as vu l'attaque que tu as lancée tout à l'heure ? Moi, je pense que tu as ce grand pouvoir en toi depuis le début. Seulement, tu ne savais pas comment l'utiliser. Maintenant, tu le sais.

    Emisu apparut soudain au bout du couloir. Elle sourit, puis me tendit un parchemin.
    — Ceci contient une invocation qui te protégera du monstre gardant l'Ennemi. J'avais pour mission de le chercher depuis longtemps, et c'est grâce à toi que j'ai pu l'obtenir, puisqu'il fallait pour cela que l'Ustence ait trouvé possesseur. Le parchemin se trouvait au fond de la grotte.

    Elle marqua une pause, avant de continuer, d'une voix grave :
    — Pour combattre l'Ennemi, il est indispensable que tu détruises en premier son mur protecteur, la Fantasmagorie. L'invocation te protégera de ce monstre, mais tu ne pourras le détruire qu'avec la Pesée.

    Je pris le parchemin en remerciant la guerrière, puis je demandai :
    — Comment... utilise-t-on la Pesée ?
    — C'est quelque chose d'immatériel, Ethéna. La Pesée est un pouvoir qui ne se contrôle pas ; il s'impose à toi, et tu ne peux ni l'invoquer ni le réprimer. Il pourra t'être d'une grande utilité, mais il est possible qu'un jour il devienne aussi une grande souffrance. Tout est double, Ethéna. Ce sont les deux faces d'une même pièce.

    Je ne fis pas vraiment attention à ses mots, à cet instant. J'étais omnubilée par autre chose :
    — Emisu !  Avec quoi détruirai-je l'Ennemi, si la Pesée ne vaincra que la Fantasmagorie ?

    Je connaissais pourtant la réponse.
    — Avec ton propre pouvoir, dit-elle simplement.







         Le champ de bataille croulait sous les offensives perpétuelles. Ils combattaient constamment, sempiternellement – ils attaquaient, se retiraient pour un court répit, et repartaient au combat. C'était une lutte sans fin, une lutte de chaque instant.
    Il y avait principalement des membres issus des différentes tribus, mais aussi de simples combattants déterminés.
    Positionnée à l'arrière, je voyais mon frère se lancer dans la bataille. Il était avec son ami Eldun – un Arde, mais aussi un remarquable bretteur. Sa propre soeur, Arde également, combattait à leur côté. On naissait dans une tribu indépendemment de son hérédité, mais il arrivait parfois que celle-ci créât une influence.

    La nuit était noire, sans lune ni étoiles. Le champ de bataille était trop obscur. C'était probablement une technique de l'Ennemi, pour nous empêcher de voir les assaillants qui surgissaient subitement de ses lignes de défense.
    Il existe une technique d'Astré faisant apparaître de la lumière dans le ciel. J'avais beau chercher, il n'y avait aucun combattant appartenant à ma tribu. Je devais m'y résoudre. Même si ma technique était faible, même si je ne réussissais qu'à aider une seule personne, je devais tenter.
    Finalement, si je n'avais jamais réussi à maîtriser mon pouvoir, c'est parce que j'avais toujours eu peur de lui ; de le montrer, de me montrer, de son essence. C'est pourquoi, en levant les mains droites vers le ciel, je le laissais pleinement jaillir, sans honte, sans peur, en clamant « Aurore boréale ».
    Une lumière semblable apparut à une vingtaine de mètres du sol. Les gardiens de la Fantasmagorie se révélèrent être des hommes sombres, ayant vendu leur âme à l'Ennemi.
    Les combattants proches de moi se retournèrent pour me remercier. Forte de leurs encouragements, je me lançai dans la mêlée, déchaînant mes pouvoirs dans l'attaque « Météore ».

    Une grande boule de lumière blanche frappa quelques ennemis, et je lançai une seconde attaque, « La queue de la comète ». La traînée de poussière laissée par ma première technique fit s'écrouler les ennemis alentour. Je profitai de ce bref instant pour traverser les lignes de défense, et soudain, je me retrouvai devant un mur gigantesque.
    La Fantasmagorie libérait de chaudes couleurs. Des taches rouges, bleues, vertes, qui se mêlaient pour former des images. Ce spectacle était d'une beauté virtuose, qui stupéfiait et empêchait de détourner le regard. Il attirait, dans une fascination hypnotique, quiconque osait regarder.
    Mon frère balança un galet sur ma tête, ce qui me fit instantanément fermer les yeux. Je ne les rouvris pas, bien que l'envie soit très forte, car je savais que la seule chose à faire était d'invoquer les Imaginaires.
    Les yeux clos, je déroulai le parchemin au sol et posai ma main en son centre, en clamant « Invocation ».
    Ils déferlèrent de toutes parts et dans toutes les directions, en un raz-de-marée effrayant, mais de la plus grande beauté qui soit.
    La Fantasmagorie captait le regard et lui faisait voir ce qu'elle désirait. Elle empêchait la personne d'observer autour de soit en l'attirant avec sa beauté factice, corrompue, au total service de l'Ennemi. Un moyen, finalement, d'empêcher de penser.

    La Pesée détruisit un fragment de la Fantasmagorie, qui se fissura, et ouvrit une brèche devant moi.

    Je m'élançai dans le passage.




    L'Ennemi était face à moi.
    L'Ennemi, le Flegment.

    L'Ustence frémit à la vue de ce monstre. Il était hideux, je le haïssais, mais une sensation étrange me prit, comme une réminiscence.
    J'avais ressenti cela, des années durant. Je continuais à le ressentir. J'étais comme lui.

    J'entendis le bruit des pierres crissant sous mes pieds, ce qui me fit penser à mon frère. Le Flegment essayait de m'avoir. Je n'étais pas comme lui. Je devais à tout prix le vaincre ; pour les victimes, pour les Astrés, pour ceux qui combattent, pour moi.

    Je devais lancer la plus puissante des techniques des Astrés.
    Avec l'Ustence, c'était possible.

    Je tins l'objet sacré devant moi, pointé vers le Flegment. Je transmis toute mon énergie et ma puissance à l'Ustence, en criant « Supernova ».
    Une boule de lumière se matérialisa devant la pointe. Elle grossissait rapidement. En atteignant la taille du monstre, elle exploserait.
    Je n'en pouvais plus, j'étais à bout de forces, mais je ne lâchais rien.
    Peu de temps avant que la lumière n'atteigne sa taille finale, j'entrevis l'image d'une jeune fille se refléter sur le Flegment. D'une Astrée. De … 







    — Léna ! Mais qu'est-ce que tu fais ?

    J'ouvre les yeux péniblement.

    — J'y crois pas ! Tu dors ! Tu dors à une heure pareille !
    — Excuse-moi, frérot … Hein, t'es déjà rentré ?
    — Oui, mon cours d'escrime se terminait à midi, s'énerva-t-il, en scrutant les étoiles accrochées sur les murs. Je vois que tu profites encore de tes vacances pour errer dans la maison comme une loque. Franchement, Léna, je trouve que tu te laisses aller. Tu n'arriveras jamais à rien dans la vie en continuant comme ça.

    Il s'en va en claquant la porte de ma chambre.



    C'est vrai.


    De nos jours, la société fait de la virtualité un divertissement. Un divertissement accessible, qui nous évite de regarder le reste. On nous impose des images, des idées. Depuis notre plus jeune âge, on nous invite à la plus grande passivité, car c'est tellement plus simple à contrôler qu'une personne qui réfléchit.


    Moi, je voulais être une personne qui réfléchit, qui maîtrise sa vie. Mais la société m'a bouffée. Elle a avorté toute idée de rébellion qui germait dans mon esprit. Du moins, c'est ce que je pensais. Mais finalement, l'ennemi n'est pas la société, c'est ma propre passivité. La seule personne à combattre, le seul véritable ennemi, c'est moi-même.


    J'aimerais cristalliser cette pensée, une pensée d'un jour, une pensée éphémère. Ces pensées qui me viennent et meurent aussi facilement que tombe le sommeil, qui tombent dans l'oubli à chaque aube comme un trou noir.


    J'aperçois un crayon sur la table, face à moi.


    Et si la solution était là, devant moi ? En moi ? Je ne suis pas une Astrée, mais j'ai une passion. Je n'ai pas d'invocation ni de pouvoirs, mais j'ai la capacité d'imaginer et de réfléchir. Je n'ai pas d'Ustence, mais j'ai un objet qui peut créer.  Ce sera difficile, mais peu importe.

    Je ne suis pas l'élue de la Prophétie, mais j'ai un rêve.
    Quelque chose que je pourchasserai toujours, et qui vient d'apparaître dans ce coup de crayon.


  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Décembre 2013 à 20:09

    Hum… Je vais t'avouer sincèrement que devant tant de texte sur un écran là tout de suite, je m'incline… Mais pas d'inquiétudes ! :D J'imprime et je lis ça tout de suite ! :D

    2
    Lundi 13 Janvier 2014 à 15:00

    J'ai finalement pris le temps de tout lire ! :3
    Que dire... On s'immerge rapidement dans l'histoire sans que ça soit trop brusque, au contraire. On reconnaît de suite les tares d'Ethéna ce qui permet une vive intrusion dans le sujet. La lecture, comme je m'y attendais de ta part, est très fluide et alterne parfaitement entre la description et les actions, et est également équilibrée. Les dialogues sont comiques par rapport à la situation dans laquelle se trouvent Machin et Ethéna, c'est reposant, ça donne un aspect décontracté et plus naturel dont on est parfois complètement privés. D'ailleurs... Son frère s'appelle Machin ? Drôle de prénom !

    L'histoire est intéressante, et moi qui n'aime pas la fantaisie, ton univers ne m'a pas dérangée. Lorsqu'on débarque dans le monde réel, la transition est intéressante et on rechute subitement en se mettant dans un contexte réaliste, qui fait spontanément passer le message voulu : qu'il faut se bouger pour faire changer les choses et ne pas avoir un avis imposé, être quelqu'un, et qu'un environnement défavorable n'est pas une raison pour se laisser aller. 
    Le thème principal, pensée d'un jour, est vachement vague, tout de même... J'aurais eu du mal à le traiter. Tu l'as toutefois abordé avec brio.

    Outre, j'ai trouvé les machins de prophétie un peu gros, surtout pour une simple nouvelle, sachant qu''Ethéna ne daignait pas avoir un minimum confiance en elle auparavant : la prophétie débarque de n'importe où, il aurait fallu l'expliquer un peu et placer plus de signes avant-coureurs. Aussi, le fait d'introduire le nom de ses attaques dans le texte réduit un peu l'effet que ça devrait faire. C'est un petit détail, mais j'aurais préféré une prise de parole avec plus de détails par rapport à comment lui viennent les attaques.

    "Elle descendit en un instant de son trône et attrappa mon crâne avec sa main." Sinon, petite faute ici, deux p au verbe attraper. :) 

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